Ce blog se propose de parler du roman pour la jeunesse, passé et actuel, qu'il soit destiné aux jeunes lecteurs ou que ces derniers l'aient plébiscité. J'y déposerai mes notes de lecture sur les romans que j'ai lus et sur les ouvrages critiques qui étudient cette partie de la production éditoriale pour la jeunesse. Je ne suis qu'un amateur, mon opinion est donc parfaitement subjective. Étant plutôt positive dans la vie, je ne parlerai que des oeuvres qui m'ont plu, beaucoup intéressée ou dont je pense qu'elles occupent une place à part dans ce vaste corpus dont je ne ferai évidemment pas le tour. Au lieu de garder mes notes sur des cahiers de papier, je les confie à ce blog pour les partager, et pourquoi pas, provoquer des échanges ou discussions sur le roman pour la jeunesse, français et étranger. Enfin, ce blog porte le prénom de trois personnages qui me semblent emblématiques : Rémi, le petit orphelin de Sans Famille d'Hector Malot, né dans les années 1870 et symbole de la quête de l'identité et des origines, mais aussi de l'enfance volontaire ; Aline (et non Alice), héroïne de Colette Vivier dans son roman La maison des petits bonheurs (1939), où le quotidien apparemment banal de la famille et de l'enfance prennent une ampleur héroïque, et que les jeunes connaissent peu aujourd'hui ; enfin, l'incontournable Harry , dont je tais ici le nom puisque ses admirateurs s'en sentent suffisamment proches pour le désigner, comme un ami, par son seul prénom, et qui, non content de s'inscrire dans une certaine tradition britannique, a donné ou redonné la joie de lire à des millions d'adolescents et à leurs parents.
Puissent mes réflexions favoriser chez les jeunes et les moins jeunes l'envie de lire le roman pour la jeunesse.

Sans famille, Hector Malot, 1878

Première de couverture Flammarion 1918 ; source Wikimédia domaine public

dimanche 11 décembre 2011

"Créatures"

Mêlant Rome antique et  Florence médiévale, légende de la Vierge de fer et celle du loup-garou, saupoudrant un zeste d'ambiance "Twilight" et une bonne dose d'enquête policière avec un commissaire florentin philosophe et un enquêteur suédois qui a des choses à cacher lui-même, Florian Ferrier propose avec "Créatures", paru chez Plon jeunesse en 2011, un texte efficace où un semblant d'idylle se noue entre une Belle et une Bête venue du fonds des âges et des froides forêts du nord. Olympe la bien nommée, qui garde un calme (presque) olympien en toutes circonstances, libère sans le vouloir le monstre, le dernier des Animus, de l'instrument de torture où les hommes jadis l'ont enfermé. Dès lors quel pari prendra-t-elle ? Aider à capturer Carthago et à l'enfermer à nouveau ? Où tout faire pour lui rendre le cœur qui lui a été arraché afin de le sauvegarder durant  des centaines d'années jusqu'à un éventuel réveil ? Histoire de Rome, de sa lutte pour conserver ses frontières au nord face aux Barbares et enquête policière, lutte immémoriale pour retrouver l'Animus et le détruire, attirance quasi mythique entre une mortelle et une créature maléfique qui en son temps aida Rome jusqu’à l’avènement du Christianisme (la bataille finale se déroule au Panthéon de Rome), tels sont les ingrédients utilisés par l'auteur dans une recette qui mélange les genres et remet au goût du jour Histoire et mythologies. Un texte plaisant qui donne envie de poursuivre sa lecture avec d'autres titres du même acabit.

Créatures, Florian Ferrier, Plon jeunesse, 2011
Photographie personnelle ( avril 2011)

mercredi 23 novembre 2011

"Odile n'existe plus"

Une fois n'est pas coutume, c'est un texte destiné à de plus jeunes lecteurs que d'habitude que présente ce post. En 2011, Frédéric Chevaux publie dans la collection Neuf de L'école des loisirs un texte court mais très sensible sur le deuil vécu par une enfant de 10 ans. Émilie adore sa cousine Odile qui se tue en voiture alors qu'elle n'a que 18 ans. Il va falloir à Émilie beaucoup de force pour faire appel à ses ressources profondes et accepter cette mort qui ne donne pas son nom au début du livre. Émilie plonge dans son monde imaginaire peuplé des contes merveilleux traditionnels pour affronter son chagrin immense. Elle veut dormir 100 ans, elle sème de petits cailloux pour se rendre chez sa cousine qu'elle s'obstine à vouloir voir, au grand dam de sa mère dont l'angoisse ne comprend pas la démarche intérieure de la petite fille. Dans le jardin elle plante des haricots qu'elle veut magiques et qui la mèneront au ciel... Parce que son oncle a dit que les ongles et les cheveux continuent de pousser après la mort, la fillette  imagine que le Prince renonce à secourir la Belle au bois dormant parce que ses cheveux et ses ongles l'empêchent de l'approcher ... Lorsqu'enfin Émilie laisse éclater une douleur trop lourde, elle promet à Rémi, son ami de toute petite enfance et néanmoins voisin,  de mettre une bague dans le gâteau qu'elle cuira pour lui ...
Des personnages de conte de fées au secours de la douleur et du face à face avec l'absurde...

Odile n'existe plus, Frédéric Chevaux, L'école des loisirs, collection Neuf,  2011

Illustration pour "La Belle au bois dormant", Gustave Doré, 1867

vendredi 11 novembre 2011

"Peine maximale"


C'est en 2010 qu'Anne Vantal signe aux éditions Actes sud junior un long roman de 310 pages sur le thème de la justice et du système judiciaire français actuel. Véritable leçon de doit pénal, ce texte intitulé "Peine maximale" déroule un procès d'assises où comparaissent Kolia et sa sœur Léna, accusés lui de tentative de vol et d'enlèvement de mineur de moins de quinze ans, elle de  complicité. Depuis l'abandon de leur père et la défection de leur mère très malade, les deux adolescents, se sont occupés de leur jeune sœur Anna, en sont les parents substitutifs avec toutes les difficultés que cela peut induire. Plus que le sort de la jeunesse devant le système judiciaire, plus que les difficultés de ces deux orphelins de fait et la délinquance possible liée à la situation peu ordinaire qui leur est faite par des parents absents, c'est l'affaire judiciaire elle-même et le déroulement du procès qui expliquent  l'intérêt du texte. Le jeune lecteur apprend tout d'un procès aux assises : les différentes étapes, la qualité des protagonistes, leur rôle dans le procès, leur état d'esprit ou leur tactique professionnelle.  Cette description presque clinique de ce type de procès, rappel des faits reprochés et des accusations, tirage au sort des 9 jurés parmi 40 personnes, suite des journées de l'audience des différents protagonistes jusqu'au verdict final, tout "enseigne" au lecteur les spécificités d'un procès d’assises, et présente le système judiciaire avec ses fragilités. Une plaidoirie dépend de l'humeur ou de la fatigue d'un avocat, de l'image professionnelle que veut donner ou sauvegarder un procureur ou un président de cour, et surtout du niveau de bouleversement de la vie des jurés sortis, pour une parenthèse, de leur vie quotidienne. Émotions fortes et  responsabilités nouvelles exacerbent les préjugés et les craintes des différents jurés. Le texte rédigé à la troisième personne montre les divers points de vue, ce qui crée une véritable dynamique dans ce récit qui suit à la minute près tout le procès. Soucieuse de crédibilité et de respect de son jeune lectorat puisqu'elle a demandé une relecture à un juriste, l'auteur transmet essentiellement la preuve qu'il est difficile de juger autrui même si le président de la cour sort du procès avec la certitude que " justice  a été rendue". Leçon de droit particulièrement agréable à suivre puisqu'elle s'habille des ressorts et de l’habillage de la fiction destinée aux jeunes auxquels on s'adresse comme à un public digne de foi et de confiance.

Peine maximale, Anne Vantal, Actes sud junior, 2010

Source photographique : tribunal de grande instance de Saint-Étienne, Forez info sur Wikimedia commons