Ce blog se propose de parler du roman pour la jeunesse, passé et actuel, qu'il soit destiné aux jeunes lecteurs ou que ces derniers l'aient plébiscité. J'y déposerai mes notes de lecture sur les romans que j'ai lus et sur les ouvrages critiques qui étudient cette partie de la production éditoriale pour la jeunesse. Je ne suis qu'un amateur, mon opinion est donc parfaitement subjective. Étant plutôt positive dans la vie, je ne parlerai que des oeuvres qui m'ont plu, beaucoup intéressée ou dont je pense qu'elles occupent une place à part dans ce vaste corpus dont je ne ferai évidemment pas le tour. Au lieu de garder mes notes sur des cahiers de papier, je les confie à ce blog pour les partager, et pourquoi pas, provoquer des échanges ou discussions sur le roman pour la jeunesse, français et étranger. Enfin, ce blog porte le prénom de trois personnages qui me semblent emblématiques : Rémi, le petit orphelin de Sans Famille d'Hector Malot, né dans les années 1870 et symbole de la quête de l'identité et des origines, mais aussi de l'enfance volontaire ; Aline (et non Alice), héroïne de Colette Vivier dans son roman La maison des petits bonheurs (1939), où le quotidien apparemment banal de la famille et de l'enfance prennent une ampleur héroïque, et que les jeunes connaissent peu aujourd'hui ; enfin, l'incontournable Harry , dont je tais ici le nom puisque ses admirateurs s'en sentent suffisamment proches pour le désigner, comme un ami, par son seul prénom, et qui, non content de s'inscrire dans une certaine tradition britannique, a donné ou redonné la joie de lire à des millions d'adolescents et à leurs parents.
Puissent mes réflexions favoriser chez les jeunes et les moins jeunes l'envie de lire le roman pour la jeunesse.

Sans famille, Hector Malot, 1878

Première de couverture Flammarion 1918 ; source Wikimédia domaine public

vendredi 9 juillet 2010

"Reine du fleuve"

Plus libre de ses faits et gestes qu'un enfant ou un adolescent qui grandit sous la protection de ses parents, l'orphelin romanesque peut vivre de véritables aventures, sans souffrir de culpabilité vis-à-vis d'eux. Le terme "aventures" désigne à la fois ce qui doit advenir, mais aussi un ensemble d'activités, d'expériences qui comportent du risque, de la nouveauté et auxquelles on accorde une valeur humaine, comme le précise le dictionnaire. Eva Ibbotson, britannique, publie en 2004, dans une traduction de Élie-Robert-Nicoud, un roman d'aventures destiné au lectorat adolescent. Son titre, Reine du fleuve, a reçu en 2001 le prestigieux prix Smarties décerné par plus de mille écoles anglaises. Dans l'Angleterre du tout début du XIXe siècle, Maia Fielding est pensionnaire d'une école pour jeunes filles à Londres. Orpheline depuis deux ans, elle pleure des parents aventuriers et archéologues décédés dans un accident de chemin de  fer en Égypte. Par son tuteur chargé de gérer sa fortune, elle apprend que des parents éloignés veulent bien l'adopter et la recevoir chez eux au Brésil où ils sont partis faire fortune dans le commerce du caoutchouc. Même si son existence à l'école est agréable, car entourée de directrices, professeurs et camarades bienveillantes, Maia n'hésite pas longtemps à mettre de côté son don pour la musique et une éventuelle carrière dans le chant en traversant l'Atlantique :
    "Mais que valait ce talent en comparaison d'un foyer aimant ?"
L'espoir d'un nouveau foyer lui donne le courage de partir loin de son école qui en tenait lieu jusque-là. Si le texte fait allusion assez rapidement à la douleur qu'elle a dû surmonter seule après le drame de la disparition de parents aimants, ce n'est qu'à la page 52 de ce texte qui en comprend 380 que les sentiments de Maia sont directement exprimés. Elle vient d'arriver dans ce qu'elle croit être son nouveau foyer, accompagnée par la nouvelle gouvernante que les Carter, sa famille éloignée et adoptive, ont engagée et qui a fait la traversée de l'Atlantique avec elle. À sa grande surprise, la gouvernante n'est pas autorisée à prendre ses repas du soir avec la famille  et Maia ne peut s'empêcher de se souvenir de la grande place qu'occupait celle qui vivait avec elle et ses parents :
    "Elle avait eu une gouvernante avant d'entrer à l'école et celle-ci avait fait partie de la famille. Elle prenait tous ses repas à la table familiale, sauf quand les parents de Maia recevaient.  Et à sa grande stupéfaction, Maia sentit sa gorge se serrer en se rappelant la chaleur et les rires de son ancien foyer."
L'expression "avait fait partie de la famille" n'est pas anodine : la gouvernante Mademoiselle Minton, malgré son air dur et son comportement parfois revêche, devient la seule famille de Maia qui va vite souffrir de l'attitude des Carter qui n'en veulent qu'à sa fortune et comptent dessus pour renflouer leur situation financière catastrophique. Seule la gouvernante connaît les intentions réelles de ces pseudo-parents adoptifs, intentions  qu'elle décide de cacher à la jeune fille :
   " Cette pauvre enfant avait assez souffert de la mort de ses parents."
Et bien qu'elle se sente dans cette nouvelle maison comme dans une prison, bien que les jumelles Gwendoline et Béatrice, que Maia se faisait une joie de rencontrer, soient les pires pestes, c'est tout de même dans ce nouveau pays que l'enfant reconstruira sa vie, ne serait-ce que parce que ses parents, comme ceux de Clara-Camille (cf article "L'orpheline dans un arbre"), ont transmis à leur fille suffisamment d'amour pour qu'elle le transforme en force intérieure. Ainsi, le moindre souvenir lié aux parents perd sa capacité à réveiller la douleur et s'avère au contraire un moteur pour avancer. Lors d'une de ses premières soirées au bord du fleuve Amazone, près de Manaus où les Carter se sont installés, Maia ne peut s'empêcher d'observer les indiens qui vivent dans des cabanes près de la maison et servent les Carter. Elle entend une mélodie sifflée par quelqu'un qu'elle ne peut distinguer dans l'obscurité :
    "Mais juste avant de quitter la fenêtre, elle entendit quelqu'un qui sifflait.(...) Le plus étrange, c'est qu'elle connaissait cette mélodie. C'était une chanson du nord de l'Angleterre- Blow the wind southerly- que sa mère  lui avait souvent chantée (...) Comme il avait été réconfortant d'entendre cet air familier, si loin de chez  elle."
L'orphelin, à l'instar de Maia , est porté par un élan vital qui pousse la jeune fille à connaître le Brésil, à aller de l'avant au contraire des jumelles engoncées dans le passé parce qu'elles  vivent avec leurs parents et parce que leur mère refuse le mode de vie brésilien, s'entête à vivre comme en Angleterre. Pour Maia, très vite, nouveau pays rimera avec nouveau foyer :
    "Je ne veux plus rentrer, car j'ai vu ce que je cherchais, ce que j'espérais trouver ici."
Aidée par Mademoiselle Minton qui a à coeur de lui enseigner le courage, Maia se détache peu à peu du souvenir maternel et devient affectivement plus autonome. Au professeur de musique qui lui enseigne le piano et veut l'encourager à développer son talent pour le chant, Maia répond résolument :
   "Ma mère était chanteuse, elle était merveilleuse, et je ne veux pas essayer de l'imiter".
La distance avec le passé, sans signifier l'oubli,  doit peu à peu aider à faire le deuil des parents et donner la force de se construire une nouvelle existence : pour Maia, la distance géographique et l'exotisme brésilien sont deux moteurs essentiels. Malgré un rappel bref en Angleterre par son tuteur Monsieur Murray, qui reproche à la gouvernante une escapade trop longue à son goût de la jeune héritière dans la jungle et parmi une tribu d'indiens, celui-ci, figure paternelle bienveillante, comprend vite  où se trouve réellement le bonheur de l'enfant. Il autorise mademoiselle Minton à devenir sa co-tutrice et à l'élever dans sa patrie d'adoption  et de coeur, le terme patrie prenant ici le sens non pas de pays du père mais de pays protecteur et accueillant, père et patrie se confondant. Libérée de la douleur provoquée par la mort de ses parents, émancipée de sa vie de pensionnaire, même heureuse, en Angleterre, Maia qui "a goûté à la liberté ª, trouve une nouvelle famille au Brésil, famille dans laquelle Mademoiselle Minton, elle aussi attachée à ce pays pour des raisons personnelles qui rejoignent celles de Maia, trouve l'occasion d'exercer ses talents maternels. Et ce nouveau foyer en annonce un autre, celui qu'elle fondera vraisemblablement avec le jeune Finn Taverner. Maia est l'emblème de l'orphelin apte au bonheur  : sa devise héritée de son père reste envers et contre tout "Carpe diem"et elle tente avec succès de lui être fidèle tout au long du récit d' Éva Ibbotson. Fine pédagogue, Mademoiselle Minton, à la fin de l'histoire de sa protégée, résume parfaitement l'état d'esprit de l'enfant :
    "Je crois que quelque chose s'est brisé en Maia à la mort de ses parents, et là-bas, elle a trouvé le remède.(...) je crois que les enfants  doivent vivre des vies exceptionnelles s'ils sont faits pour ça. Et Maia est faite pour ça."
Mademoiselle Minton nous livre ici une subtile mise en abyme de la place littéraire qu'occupe le  personnage orphelin : exceptionnel, il est digne de porter le récit romanesque depuis le XIXe  siècle.
Éva Ibbotson, Reine du fleuve, Éditions Albin Michel, 2004

Source photographie : http://zarkanzar.blogspot.com/2010_03_29_archive.html

1 commentaire:

  1. Bonjour,
    Ce livre, je l'ai adoré, quand je l'ai commencé je n'ai pas pu m'en détacher et je l'ai fini vers 4h du matin alors que j'avais cours le lendemain.
    Ce livre signifie beaucoup pour moi, parce qu'il m'a révélé ce que je voulais devenir dans la vie : écrivain.
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    Merci ! :D

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