Ce blog se propose de parler du roman pour la jeunesse, passé et actuel, qu'il soit destiné aux jeunes lecteurs ou que ces derniers l'aient plébiscité. J'y déposerai mes notes de lecture sur les romans que j'ai lus et sur les ouvrages critiques qui étudient cette partie de la production éditoriale pour la jeunesse. Je ne suis qu'un amateur, mon opinion est donc parfaitement subjective. Étant plutôt positive dans la vie, je ne parlerai que des oeuvres qui m'ont plu, beaucoup intéressée ou dont je pense qu'elles occupent une place à part dans ce vaste corpus dont je ne ferai évidemment pas le tour. Au lieu de garder mes notes sur des cahiers de papier, je les confie à ce blog pour les partager, et pourquoi pas, provoquer des échanges ou discussions sur le roman pour la jeunesse, français et étranger. Enfin, ce blog porte le prénom de trois personnages qui me semblent emblématiques : Rémi, le petit orphelin de Sans Famille d'Hector Malot, né dans les années 1870 et symbole de la quête de l'identité et des origines, mais aussi de l'enfance volontaire ; Aline (et non Alice), héroïne de Colette Vivier dans son roman La maison des petits bonheurs (1939), où le quotidien apparemment banal de la famille et de l'enfance prennent une ampleur héroïque, et que les jeunes connaissent peu aujourd'hui ; enfin, l'incontournable Harry , dont je tais ici le nom puisque ses admirateurs s'en sentent suffisamment proches pour le désigner, comme un ami, par son seul prénom, et qui, non content de s'inscrire dans une certaine tradition britannique, a donné ou redonné la joie de lire à des millions d'adolescents et à leurs parents.
Puissent mes réflexions favoriser chez les jeunes et les moins jeunes l'envie de lire le roman pour la jeunesse.

Sans famille, Hector Malot, 1878

Première de couverture Flammarion 1918 ; source Wikimédia domaine public

samedi 19 juin 2010

"Quatre soeurs"

Dès 2003, aux éditions de L'école des loisirs,  Malika Ferdjoukh propose, dans une tétrade remplie d'humour, sa version personnelle des  Quatre filles du Docteur March . Elle consacre aux soeurs Verdelaine quatre tomes dont chacun porte en titre le prénom de l'une d'elles. Chaque tome porte aussi le nom d'une des saisons de l'année. Ainsi, l'histoire des soeurs Verdelaine s'étale de l'automne à l'été qui clôt le récit : quatre soeurs qui sont en réalité cinq, quatre saisons, une année pour faire le deuil des parents décédés et de la vie familiale d'avant leur accident. C'est la plus jeune, Énid, qui inaugure le récit de la vie de ces jeunes filles bretonnes orphelines de leurs deux parents depuis dix-neuf mois et vingt-deux jours au moment où Énid entre en scène.  Le récit dévoile la nouvelle existence des cinq soeurs placées sous la tutelle de Tante Lucrèce qui gère leurs biens et paye les factures, bien que Charlie, l'aînée, ait la responsabilité de l'éducation des plus jeunes. Les cinq soeurs ont des tempéraments fort différents et affrontent leur deuil comme elles le peuvent. Charlie, vingt-trois ans, travaille dans un laboratoire et tente vainement de joindre les deux bouts pour élever ses soeurs et entretenir la Vill'Hervé, vieille demeure familiale  au bord de l'océan atlantique. Elle est amoureuse de Basile, jeune médecin presque trentenaire, qui ne demande qu'à l'épouser et à prendre en charge la fratrie. Mais la jeune femme a semble-t-il du mal à envisager de partager ses responsabilités aussi lourdes soient-elles et sacrifie sa vie privée pour ses soeurs. Elle porte un surnom (elle se prénomme en réalité Charlotte) à la fois masculin et féminin  qui symbolise son rôle de père et de mère de substitution tout ensemble. Geneviève a seize ans : cette vraie fée du logis, qui aime que tout soit en ordre, rangé, lavé, repassé, astiqué, a un secret : elle pratique la boxe thaïe alors que ses soeurs la croient baby-sitter. Bettina, treize ans et demi, flanquée de ses deux amies Denise et Béhotéguy (Énid nomme le trio la division Bête et Bouchée ou DBB), est la peste de la famille; elle occupe indéfiniment la salle de bain et casse les pieds à tous. Hortense, onze ans, est la « Jo March » de la fratrie : elle passe son temps à lire les livres des autres et à écrire le sien. Enfin, Énid, neuf ans, encore une enfant, cherche auprès de ses grandes soeurs une nouvelle présence maternelle. Quant à Fred et Lucie Verdelaine, leurs parents, ils se sont tués dans un accident de voiture : carbonisés, ils n'ont pu être inhumés et leur tombes sont vides. Cet accident n'est évoqué de façon précise qu'à la page quatre-vingt dix-sept du tome consacré à Énid, le premier de la tétrade. Parce que le grand sycomore, symbole et de la maison et de l'histoire de la famille, a été arraché par la tempête et précipité le faîte le premier dans le vieux puits, Énid, est très inquiète pour Swift, sa pipistrelle qui vivait en compagnie de Blitz l'écureuil dans le vieil arbre mort. Avec l'aide de son camarade Gulliver, elle décide de descendre dans le puits pour sauver Swift. Lorsque le garçon insinue que la chauve-souris pourrait ne pas avoir réchappé de la tempête, Énid envisage son inhumation  sans émoi apparent. C'est alors que :


  ... Gulliver se souvint que les parents d'Énid n'avaient pas de tombe, leur voiture avait brulé lors de l'accident ; ils avaient péri carbonisés. Sous la pierre qui portait leurs noms au cimetière, il n'y avait personne.



Le lecteur, cependant, se doutait bien qu'un drame avait touché de près cette famille car Énid ne se rend pas  dans sa chambre  sans pincement au coeur lorsqu'elle passe devant une des portes du premier étage. Cette première allusion page douze est renforcée par une seconde plus concise mais plus douloureuse aussi : 
 Puis il y avait cette fichue quatrième porte ... 
L'auteur use d'une très grande pudeur et n'aborde directement le drame que relativement tard dans un premier récit de cent trente-huit pages. Elle suit en cela le rythme d'Énid qui peu à peu effectue son travail de deuil. Alors que, comme le sycomore et selon le mot d'enfant d'Énid, toutes les filles sont « dégringolées de l'intérieur », que les disputes sont d'autant plus douloureuses qu'elles ne sont plus arbitrées par les parents, la petite fille découvre avec son ami Gulliver la tombe de la première propriétaire de la maison, morte aussi dans un incendie. Sa harpe, posée sur sa tombe, hurle telle un fantôme sous le courant d'air que la chute du sycomore a provoqué. En tombant dans le puits, il a  dégagé un conduit qui mène sous la falaise où se trouvent les tombeaux de la dame et de son époux. Et la petite fille de faire son deuil : 
   Énid et Gulliver contemplaient les deux sépulcres et tandis qu'au-dessus de leurs crânes, l'âme de Guillemette jouait de la harpe via l'esprit du vent, Énid pensa à ses parents morts, brûlés eux aussi dans leur voiture accidentée. Et brusquement, là, sous la terre, elle se mit à pleurer. 
Malika Ferdjoukh clôt ce premier tome  comme elle l'a initié, sur l'espoir, le deuil accompli et le goût de la vie chez ces filles à l'humour inégalable. Énid trouve le repos du coeur : 
   Elle se sentait en paix avec la musique, en paix avec tous les fantômes de la terre et d'ailleurs.  
Elle a achevé son deuil à la fin du récit de ce premier volume, pour preuve : 
  Pour la première fois depuis la mort de ses parents, Énid passa sans courir devant la quatrième porte du premier étage. Elle faillit même entrer.
Dans le deuxième tome de cette quadrilogie,  c'est l'hiver et Hortense entre en scène. À elle de faire son deuil et d'accepter le temps qui passe, les évolutions et les nouvelles épreuves de sa vie. La narration à la troisième personne est régulièrement enrichie des extraits du journal de la jeune fille. Comme la plupart des adolescents dotés de frères  et soeurs, elle pense souvent qu'elle aurait préféré être fille unique. À l'inverse, le fantasme d'un fratrie hante fréquemment l'enfant seul. La conception particulière de « l'orphelinité » selon Hortense nous est révélée dès la première page par Malika Ferdjoukh ; la jeune fille se confie à son journal en ces termes : 
Être fille unique, j'aurais adoré. Puis je me rends compte que ça signifie cette chose affreuse : je me serais retrouvée orpheline à la mort de papa et de maman, et alors j'ai un frisson.
 Hortense ne se sent donc pas orpheline grâce à  la présence de ses soeurs : pour elle, être orpheline signifie à la fois absence des parents, absence physique et affective, mais aussi solitude. Or, la Vill'hervé est pleine de vie et de présence chaleureuse grâce aux cinq filles Verdelaine qui s'entourent mutuellement d'affection et de rires. Pourtant, trouver sa place n'est pas simple pour Hortense :
  Pourtant c'est difficile d'être 1 parmi 5, une dans la multitude. J'ai du mal à le supporter des fois.
Elle a du mal aussi à exprimer à soi-même sa douleur et son affliction et elle confie à son cahier son incapacité à verser des larmes apaisantes : 
  Moi, je ne saurai jamais pleurer. Moi, pour que je pleure, il faut me rouer de coups. Le dernier coup que j'ai reçu, c'était la mort de papa et maman. Et encore je n'ai pas pleuré tout de suite : trois semaines pour que je comprenne.
Hortense, parangon de l'enfance et de l'adolescence sous les coups absurdes du destin, se fait le porte-parole de tous ses frères et soeurs orphelins : le décès brutal des parents est « un coup » incroyable au sens propre de l'adjectif et impossible à accepter. Dans un autre extrait de son journal, elle décrit physiquement ses soeurs aînées et nous avons donc un portrait flatteur de chacune par les yeux et la plume d'Hortense. En arrivant à soi-même, elle se déprécie et en bonne littéraire, elle fait appel à Gérard de Nerval.  Elle est la « Desdichada », la déshéritée : 
  La sans-rien. Je ne sais pas à qui je ressemble.
Hortense dévoile là une des difficultés des orphelins : garder le lien qui unit aux parents décédés, conserver le sentiment d'avoir des racines par la ressemblance physique ou de caractère. Et Hortense de se désoler : 
  Pas à maman qui était gaie ... Je devrais dire : je ne sais pas à quoi je ressemble. À rien. Je ne ressemble à rien (...) Pas à papa. Papa qui aimait tellement les gens.
 Malgré ce passage à vide où elle se déprécie, particulièrement lorsqu'elle se compare à sa soeur Bettina, Hortense a elle aussi sa personnalité. Plusieurs expériences au cours de cette saison vont l'aider à mûrir et à avancer dans la résolution de son deuil. Elle a la révélation de sa vocation théâtrale  : écoutant les conseils de son professeur de Lettres qui souhaite l'aider à mieux s'exprimer  et à vaincre sa timidité, elle s'inscrit au cours d'un certain Lermontov qui lui confie très vite le rôle d'Hortense dans Le petit-Maître corrigé de Marivaux. La première représentation est un triomphe et sous les yeux de ses soeurs profondément émues, Hortense tourne une page de sa vie, avance sur son propre chemin. Elle aura cependant  à vivre une nouvelle épreuve, un nouveau deuil, celui de son amie Muguette, leucémique, qui est venue passer un bout de convalescence dans la villa   voisine. Très vite liées, les deux jeunes filles connaissent l'une et l'autre l'issue fatale et Hortense se prépare à ce nouveau « coup » qui ne la frappera qu'à la fin du tome consacré à Bettina. Le tome deux de la tétrade, tome consacré à la jeune comédienne, se conclut sur les fêtes de Noël ; Hortense note le réveillon et lui donne : 
  ... 10/20. Ni bon ni mauvais ; sans maman ni papa, ça ne sera plus jamais aussi bien de toute façon.
Et malgré cette douloureuse constatation, malgré la maladie de Muguette partie en urgence à l'hôpital le 25 décembre à cause d'une chute de plaquettes, le récit se termine dans la paix de Noël et la tendresse fraternelle. À la question de son aînée qui lui demande ce qu'elle aime le plus au monde, Hortense répond : 
  « Eh bien, c'est en ce moment. Tenir ce vieux Roberto sur mes genoux et vous écouter dire des âneries ».
Le troisième volet du quadriptyque annonce le printemps et Bettina. L'incipit dénonce le caractère égoïste de l'adolescente, et sa relation à la fratrie : 
  Parfois, Bettina pensait que si elle n'avait pas eu de soeur, elle ne s'en serait pas porté plus mal. Elle eût préféré l'équivalent ... en frères. Ou mieux : une jumelle. Deux elle-même.
Bien qu'elle ait dressé jusque-là un portrait détestable mais toujours drôle de la troisième fille Verdelaine, l'auteur ne peut dissimuler plus longtemps au lecteur que Bettina va évoluer, laisser de côté ses sarcasmes à l'encontre de l'une ou l'autre de ses soeurs ou d'autres adolescents. Et l'honnêteté veut qu'elle peigne à travers Bettina le portrait d'innombrables adolescentes mal dans leur peau, ne trouvant pas toujours un biais très adroit pour exprimer leur mal-être. À l'instar de ses soeurs Énid et Hortense, Bettina doit aussi faire son deuil, à un moment de sa vie où les relations avec les autres, notamment avec les garçons, deviennent cruciales. C'est aussi la période où les relations avec les parents s'intensifient, basée sur l'opposition constructive de l'adolescent qui prend peu à peu son autonomie et ses distances. C'est pourquoi Bettina, chronologiquement au centre de la fratrie orpheline, est peut-être celle qui aura le plus à souffrir de l'absence de Fred et Lucie Verdelaine, ses parents décédés. C'est une terrible et, semble-t-il première déception amoureuse que la leçon   infligée à Bettina par le jeune Merlin Gillespie. Sa laideur physique n'avait d'abord inspiré à la jeune fille que sarcasmes et méchanceté puis honte d'apprécier sa compagnie devant ses amis. Lorsqu'elle assume enfin ses sentiments pour lui, il se détourne et cet éloignement coïncide avec un déménagement de ses parents dans la ville voisine. Désemparée, Bettina ne cesse de penser à lui : elle évolue cependant. Cette épreuve initiatique qu'elle ne confie à personne pas même à ses amies Denise et Béhotéguy s'achève lorqu'elle se déplace aussi et essaie de rencontrer Merlin sur son nouveau lieu de vie. Après avoir vu le garçon en compagnie d'une autre, elle rentre meurtrie mais grandie. Elle prend conscience de son évolution sentimentale pendant une conversation sur les relations amoureuses avec Tancrède, nouvel ami de sa soeur Charlie  dont il est amoureux mais qu'il quittera pour rejoindre Paris. Leur conversation est coupée par  Béhotéguy au grand soulagement de Bettina : 
  Elle n'était pas sûre de vouloir en savoir plus sur les mystères de la vie amoureuse adulte.
Bettina accepte l'idée de grandir  mais ne veut pas brûler les étapes : il lui faut d'abord digérer cette première épreuve. Ces premiers déboires sentimentaux sont concomitants de cette année de deuil et de maturation tout à la fois : il faut grandir, faire le deuil des parents et celui de l'amour de Merlin. Plus mûre, Bettina évite de commettre la même erreur et au lieu d'éconduire vertement un gentil Raymond qui souhaite la revoir, elle clôt paisiblement leur conversation téléphonique : 
   « C'est gentil d'avoir rappelé. Excuse-moi Raymond et merci. Au revoir. »
Enfin, avec Geneviève arrive l'été, temps des vacances et de l'insouciance, temps aussi d'a- chever et le deuil des parents et celui de la vie d'avant leur disparition. Chaque fille de la fratrie Verdelaine a suivi son propre chemin, il en est de même pour Geneviève dans ce quatrième et dernier tome. Malika Ferdjoukh confie au lecteur les sentiments de Geneviève envers sa fratrie, comme elle l'a fait précédemment pour ses jeunes soeurs : 
  Geneviève adorait avoir des soeurs. Parfois, elle en aurait aimé trois ou quatre de plus.
Ce quatrième incipit rejoint les trois premiers et révèle le caractère de la jeune fille à chaque fois. Énid aurait voulu avoir un peu moins de soeurs, Hortense confie à son journal qu'elle aurait adoré être fille unique, Bettina aurait bien aimé avoir une soeur jumelle, une autre elle-même. Chaque fille Verdelaine vit la fratrie différemment, surtout depuis que cette fratrie est devenue orpheline. Trouver sa place, construire ses relations avec chacune de ses soeurs et surtout assumer le sacrifice de sa vie privée accordé par Charlie pour élever ses cadettes reste une épreuve pour chacune, une étape à passer pour entrer dans la vie adulte, même si c'est très tôt pour Hortense et Énid. Mais l'épreuve suprême reste de finir le deuil parental, et chacune s'y emploie à sa façon. Geneviève se rend compte d'ailleurs que : 
  ... oui, en un sens, ses quatre soeurs et elle avaient été abandonnées. Elle n'avait encore jamais envisagé les choses comme ça.
L'été, au bord de l'Atlantique comme ailleurs, est traditionnellement la saison des amours.  Geneviève n'y dérogera pas, mais ses amours vont lui réserver une nouvelle épreuve qui lui permettra de prouver sa force intérieure et de progresser vers la vie adulte. En ce mois de juillet, alors que Charlie travaille, que Bettina est partie en vacances avec Denise et Béhotéguy à seulement cinquante kilomètres de la Vill'hervé et qu'Hortense a entraîné Énid à Paris chez les cousins Harry et Désirée, Geneviève vend des glaces et des chichis sur la plage qu'elle rejoint tous les jours par le chemin douanier. Elle ne tarde pas à tomber amoureuse du garçon qu'elle a sorti d'un mauvais pas ou plutôt d'une mauvaise chute à vélo au bord de la falaise. L'idylle nouée est romantique à souhait, les sentiments des jeunes gens profondément sincères, mais Vigo a un secret : c'est un voleur. Parce qu'il ne donne pas signe de vie pendant plusieurs jours sans raison , Geneviève part à sa recherche et le retrouve en prison. Son amour est solide et passe outre les préjugés ou les peurs que cette situation pourrait provoquer chez toute jeune fille. Elle lui rend visite en prison pour comprendre  : il est en semi-liberté et a fait « une semaine de mitard » pour six heures de retard un soir où ils étaient ensemble. Le garçon relève la force de caractère de la jeune fille : 
  « ... Qu'est-ce que c'est, le mitard ?  (...) 
  -  Si je te le dis, tu vas pleurer. 
 -  Je pleure déjà. 
  - Pas vrai. Tu es une forte, toi. »
Il se souvient alors de leur première rencontre  et lui rappelle qu'elle l'avait mis à terre grâce à sa pratique de la boxe thaïe lorsqu'il avait essayé, au moment des fêtes de Noël, de voler le sac à main de Tante Lucrèce dans la rue. Le phénomène bien connu de la cristallisation est alors entré en jeu et explique l'impression qu'a  Geneviève d' avoir toujours connu Vigo. À la fin des vacances, toute la fratrie ainsi que les amis rencontrés par les unes et les autres le long de ces quatre récits, sont réunis à la Vill'Hervé : Vigo s'installe aussi, parce que l'amour de Geneviève, qui la fait entrer de plain-pied dans la vie adulte et prendre une nouvelle voie, le sauve de lui-même.
La vie des  quatre soeurs Verdelaine, qui à l'instar des Mousquetaires du roi sont une de plus, donne une image positive de l'orphelin mais n'occulte pas des réalités  difficiles. La question financière de leur survie (le peu d'argent laissé par les parents disparaît vite), le sacrifice de Charlie qui reste dans la maison familiale au mépris de sa vie privée, les relations aux autres, mélange de haine et d'amour,  au sein de la fratrie, la perte des repères et la quête des conseils que seuls les parents peuvent donner, tout concourt à démontrer que l'enfance et l'adolescence ne peuvent se passer de la présence réelle et aimante de parents, de tuteurs au sens horticole du terme, d'appui sur lequel la « jeune plante » qu'est l'enfant peut se développer. Humour, optimisme, joie de vivre, tendresse fraternelle et force de caractère entrent alors en jeu pour donner à voir un portrait de l'orphelin capable malgré des obstacles affectifs certains, de continuer à vivre et à devenir adulte. Une fois n'est pas coutume, ce quatrième volet de la saga Verdelaine ne s'achève pas sur la traditionnelle et redoutée visite de Tante Lucrèce. Mais la mégère ridicule rend tout de même une visite à ses petites-nièces dans le pénultième chapitre. Et Charlie de dresser le portrait de la famille idéale, quête de tous les orphelins, famille qui va hérisser Lucrèce.
Charlie fit une liste mentale et rapide de tout ce que contenait actuellement Vill'Hervé et qui risquait de rendre la tata folle d'horreur : 
- des bêtes à plumes
- des bêtes à poil
- des hommes
- des étrangers
- des jeunes
- des gens joyeux
- de la multitude
- du bazar
En décidant de rompre définitivement avec la tante en question, et en déchirant symboliquement le dernier chèque qu'elle leur a donné, les cinq soeurs Verdelaine finissent leur deuil, gagnent en  autonomie, individuellement et collectivement. Enfin, entourées des êtres qui leur sont chers, elles construisent une famille selon leur coeur.


Source photographique : Wikimédia commons

2 commentaires:

  1. ou vivent t elles?(village le plus près?)

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  2. Je n'ai pas le souvenir que le nom d'une localité soit donné par l'auteur. On peut imaginer facilement la Bretagne puisque la maison est au bord de l'Atlantique et que le climat ressemble à celui de cette région. La situation de la maison seule sur la falaise accentue aussi le côté mystérieux souvent lié à cette région. Mais le lecteur est libre de l'imaginer ailleurs.

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